Une ancienne journaliste turque, qui avait bénéficié en France du statut de réfugié en 2008 avant d’être condamnée en 2013 pour des faits de financement d’entreprise terroriste, contestait devant le tribunal administratif de Melun les décisions du préfet du Val-de-Marne refusant de renouveler son titre de séjour et prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français (OQTF) sans délai à destination de la Turquie ainsi qu’une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF) pour une durée de dix ans. L’intéressée contestait également la mesure d’assignation à résidence prise à son égard dans l’attente de son éloignement. Le tribunal a partiellement fait droit à ses recours.
A la suite de sa condamnation pénale prononcée en 2013, la requérante s’était vu retirer, en 2020, le statut de réfugié qui lui avait été accordé en 2008. Elle avait alors été munie d’une carte de séjour temporaire valable un an dont elle a sollicité le renouvellement en 2022. Le 1er octobre 2024, elle a été condamnée par le tribunal correctionnel de Créteil à six mois d’emprisonnement avec sursis pour manquement à l’obligation de justification périodique de son adresse, résultant de son inscription au fichier des auteurs d’infractions terroristes. A la suite de cette dernière condamnation, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français vers la Turquie et interdiction de retourner en France pendant dix ans, et l’a assignée à résidence dans l’attente de son éloignement.
Le magistrat désigné pour statuer sur les recours de la requérante a considéré que les décisions préfectorales refusant de renouveler sa carte de séjour d’un an et prononçant à son encontre une OQTF n’étaient pas illégales, faute notamment pour l’intéressée de justifier d’attaches familiales ou personnelles ou d’une intégration sociale ou professionnelle suffisantes en France, en dépit d’une durée de séjour importante sur le territoire français.
En revanche, le juge a estimé que la requérante, malgré la perte de son statut de réfugié, ne pouvait pas légalement être renvoyée vers la Turquie compte tenu des raisons sérieuses de penser qu’elle continue d’encourir des risques de persécutions dans ce pays en raison de son activité passée de journaliste proche d’un parti d’extrême-gauche turc.
Par ailleurs, le magistrat a considéré que l’existence d’une menace actuelle à l’ordre public, qui permet à l’autorité préfectorale de prononcer à l’égard d’un étranger en situation irrégulière une OQTF « sans délai », c'est-à-dire à effet immédiat, n’était pas suffisamment caractérisée dans le cas de la requérante. Le juge a relevé à cet égard que les faits pour lesquels celle-ci avait été condamnée en 2013, en dépit de leur gravité certaine, avaient été commis il y a plus de 17 ans et que l’intéressée avait purgé sa peine depuis plus de 10 ans. Il a par ailleurs estimé que l’unique manquement de l’intéressée, depuis lors, à son obligation trimestrielle de confirmation de son adresse auprès des services de police, ne révélait pas une menace suffisamment grave à l’ordre public.
Le magistrat a en conséquence annulé la décision fixant la Turquie comme pays de renvoi de la requérante et la décision lui refusant un délai pour exécuter son OQTF. L’interdiction de retour sur le territoire français d’une durée de dix ans ainsi que la mesure d’assignation à résidence ne pouvant être prononcées qu’à l’égard des étrangers faisant l’objet d’une OQTF « sans délai », le magistrat a également, par voie de conséquence, annulé ces deux mesures.
Le préfet du Val-de-Marne devra réexaminer la situation de la requérante sous trois mois. Il a la possibilité de faire appel dans un délai d’un mois.
Décision no 2507575 du 26 juin 2025
Décision n° 2507902 du 26 juin 2025